Le droit à un niveau de vie suffisant : vers un revenu de base universel ?

Face à la précarité grandissante, le concept de revenu de base universel s’impose comme une solution audacieuse pour garantir à tous un niveau de vie décent. Analyse des enjeux juridiques et sociétaux de cette proposition révolutionnaire.

Les fondements juridiques du droit à un niveau de vie suffisant

Le droit à un niveau de vie suffisant est consacré par plusieurs textes internationaux, notamment la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels de 1966. Ces instruments juridiques reconnaissent à chaque individu le droit à un niveau de vie adéquat, incluant une alimentation, un logement et des soins médicaux suffisants. En France, ce principe est repris dans le préambule de la Constitution de 1946, qui garantit à tous la protection de la santé, la sécurité matérielle et le droit d’obtenir de la collectivité des moyens convenables d’existence.

Malgré ces garanties juridiques, force est de constater que de nombreuses personnes vivent encore dans la précarité. Les systèmes de protection sociale traditionnels, bien qu’essentiels, montrent leurs limites face aux mutations du marché du travail et à la persistance du chômage de masse. C’est dans ce contexte que l’idée d’un revenu de base universel a émergé comme une solution potentielle pour assurer à chacun un niveau de vie minimal.

Le concept de revenu de base universel : principes et objectifs

Le revenu de base universel, parfois appelé revenu universel ou allocation universelle, est un dispositif qui consisterait à verser à tous les citoyens, sans condition de ressources ni contrepartie, une somme d’argent suffisante pour couvrir les besoins de base. Cette idée, défendue par des économistes et des philosophes depuis plusieurs décennies, vise à garantir un socle de sécurité économique à l’ensemble de la population.

Les objectifs du revenu de base sont multiples : lutter contre la pauvreté, simplifier le système de protection sociale, favoriser l’autonomie individuelle et encourager l’innovation et la prise de risque. Ses partisans arguent qu’il permettrait de mieux répondre aux défis posés par l’automatisation et la précarisation du travail, tout en reconnaissant la valeur des activités non rémunérées comme le bénévolat ou le travail domestique.

Les défis juridiques de la mise en place d’un revenu de base universel

L’instauration d’un revenu de base universel soulève de nombreuses questions juridiques. La première concerne son financement : comment assurer la pérennité d’un tel dispositif sans mettre en péril les finances publiques ? Diverses pistes sont évoquées, comme une refonte du système fiscal, la création d’un impôt sur le patrimoine ou la taxation des transactions financières.

Un autre enjeu majeur est la compatibilité du revenu de base avec le droit existant. Son introduction nécessiterait une révision en profondeur du Code de la sécurité sociale et du Code du travail. Il faudrait notamment déterminer quelles prestations sociales seraient maintenues en parallèle du revenu de base, et comment articuler ce dernier avec le salaire minimum et les conventions collectives.

La question de l’universalité du dispositif pose également des défis juridiques. Faut-il l’étendre aux mineurs ? Aux étrangers résidant sur le territoire ? Comment gérer les situations transfrontalières ? Ces interrogations appellent une réflexion approfondie sur les critères d’éligibilité et les modalités d’attribution du revenu de base.

Expérimentations et perspectives d’avenir

Face à ces enjeux complexes, plusieurs pays et collectivités ont choisi la voie de l’expérimentation. En Finlande, un essai de deux ans a été mené auprès de 2 000 chômeurs entre 2017 et 2018. En France, le département de la Gironde a lancé en 2019 une expérimentation d’un revenu de base auprès de jeunes en insertion.

Ces initiatives, bien que limitées dans leur portée, permettent de recueillir des données précieuses sur les effets d’un revenu garanti. Elles ouvrent la voie à une réflexion plus large sur l’évolution de notre modèle social et économique. À l’heure où la crise sanitaire a mis en lumière les fragilités de nos systèmes de protection, le débat sur le revenu de base universel prend une nouvelle ampleur.

L’avenir du revenu de base universel dépendra de la capacité des décideurs politiques à surmonter les obstacles juridiques et financiers, mais aussi à convaincre l’opinion publique de sa pertinence. Si le chemin vers sa mise en œuvre reste long et semé d’embûches, l’idée continue de gagner du terrain, portée par la nécessité de repenser nos mécanismes de solidarité face aux défis du XXIe siècle.

Le droit à un niveau de vie suffisant, pierre angulaire de notre contrat social, pourrait trouver dans le revenu de base universel un nouvel instrument de réalisation. Cette proposition audacieuse invite à repenser en profondeur notre rapport au travail, à la protection sociale et à la citoyenneté. Qu’il se concrétise ou non, le débat qu’il suscite contribue à enrichir notre réflexion collective sur les moyens de construire une société plus juste et solidaire.