Partenariats public-privé dans la santé : une alliance sous haute surveillance

Face à la nécessité de moderniser les infrastructures hospitalières, les partenariats public-privé (PPP) s’imposent comme une solution attractive mais controversée. Entre promesses d’efficacité et craintes de dérives, la régulation de ces montages complexes devient un enjeu majeur pour l’avenir de notre système de santé.

Les fondements juridiques des PPP dans le secteur hospitalier

Les partenariats public-privé dans le domaine de la construction d’hôpitaux reposent sur un cadre légal spécifique. La loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat a posé les bases de ces collaborations, permettant aux établissements publics de santé de confier à un opérateur privé la conception, la construction, le financement et l’exploitation d’infrastructures hospitalières.

Ce dispositif a été renforcé par l’ordonnance du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics, qui a unifié le régime des contrats de partenariat sous l’appellation de marchés de partenariat. Cette évolution législative visait à simplifier et sécuriser le recours aux PPP, tout en maintenant des garde-fous pour préserver l’intérêt public.

Le Code de la santé publique encadre spécifiquement ces partenariats dans le secteur hospitalier, notamment à travers l’article L.6148-7 qui précise les conditions de recours à ces montages pour les établissements publics de santé.

Les mécanismes de contrôle et d’évaluation des PPP hospitaliers

La mise en place d’un PPP pour la construction d’un hôpital est soumise à un processus d’évaluation rigoureux. L’évaluation préalable, rendue obligatoire par la loi, doit démontrer la pertinence du recours à ce type de contrat par rapport aux modes de réalisation classiques. Cette étude comparative, validée par la Mission d’appui au financement des infrastructures (Fin Infra), analyse les aspects juridiques, financiers et techniques du projet.

Le contrôle de légalité exercé par le préfet constitue un autre niveau de vérification, s’assurant de la conformité du contrat aux dispositions légales et réglementaires. De plus, la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes jouent un rôle crucial dans l’examen a posteriori de ces partenariats, veillant à leur bon usage des deniers publics.

L’introduction de clauses de performance et de pénalités dans les contrats permet un suivi continu de la qualité des prestations fournies par le partenaire privé. Ces mécanismes contractuels visent à garantir l’atteinte des objectifs fixés en termes de qualité de service et de maîtrise des coûts.

Les enjeux de la transparence et de la gouvernance

La transparence des procédures de passation et d’exécution des PPP hospitaliers est un enjeu majeur de leur régulation. La publication des données essentielles du contrat, rendue obligatoire par la réglementation, vise à permettre un contrôle citoyen et à prévenir les conflits d’intérêts.

La gouvernance de ces projets complexes nécessite la mise en place de structures dédiées au sein des établissements de santé. Les comités de suivi, associant représentants de l’hôpital, du partenaire privé et parfois des usagers, permettent un pilotage collaboratif et une gestion des risques tout au long de la durée du contrat.

La Commission des contrats de partenariat, instance consultative placée auprès du ministre chargé de l’économie, émet des avis sur les projets de PPP les plus importants, apportant une expertise indépendante sur leur structuration et leur équilibre économique.

Les défis de la régulation financière des PPP hospitaliers

La soutenabilité budgétaire des PPP hospitaliers constitue un défi majeur pour les pouvoirs publics. Le Haut Conseil de la santé publique a alerté sur les risques d’endettement excessif des établissements de santé liés à ces montages de long terme. La régulation financière passe par un encadrement strict des engagements pluriannuels, avec notamment l’instauration de plafonds d’endettement pour les hôpitaux.

Le partage des risques entre partenaires public et privé fait l’objet d’une attention particulière des autorités de contrôle. La Direction générale de l’offre de soins (DGOS) a élaboré des guides méthodologiques pour aider les établissements à négocier une répartition équilibrée des risques, évitant ainsi que l’État ne supporte une charge financière disproportionnée.

La question du refinancement des contrats en cours d’exécution est devenue un enjeu crucial, notamment dans un contexte de taux d’intérêt historiquement bas. La régulation doit permettre aux établissements de santé de bénéficier de conditions financières plus avantageuses, tout en préservant l’équilibre économique global du contrat.

L’évolution du cadre réglementaire face aux retours d’expérience

Les premiers PPP hospitaliers lancés en France ont fait l’objet d’évaluations critiques, notamment de la part de la Cour des comptes. Ces retours d’expérience ont conduit à une évolution du cadre réglementaire, avec un renforcement des exigences en matière d’évaluation préalable et de suivi des contrats.

La loi ASAP (Accélération et Simplification de l’Action Publique) du 7 décembre 2020 a introduit de nouvelles dispositions visant à faciliter la modification des contrats en cours d’exécution, permettant ainsi une meilleure adaptation aux évolutions des besoins hospitaliers.

Le développement de contrats à durée ajustable, permettant une renégociation des termes du partenariat à échéances régulières, apparaît comme une piste prometteuse pour concilier engagement de long terme et flexibilité opérationnelle.

Les perspectives d’harmonisation européenne de la régulation

La Commission européenne a engagé une réflexion sur l’harmonisation des règles applicables aux PPP au niveau communautaire. Cette démarche vise à favoriser les échanges de bonnes pratiques et à garantir une concurrence équitable sur le marché européen des infrastructures de santé.

Le Parlement européen a adopté en 2021 une résolution appelant à un renforcement de la transparence et de l’évaluation des PPP dans le secteur public, y compris dans le domaine hospitalier. Cette initiative pourrait conduire à l’élaboration de nouvelles directives européennes encadrant plus strictement ces partenariats.

La Banque européenne d’investissement (BEI) joue un rôle croissant dans le financement et l’expertise des PPP hospitaliers en Europe. Son implication contribue à la diffusion de standards élevés en matière de gouvernance et de gestion des risques.

La régulation des partenariats public-privé dans la construction d’hôpitaux s’inscrit dans une dynamique d’évolution constante. Entre nécessité d’innovation et impératif de protection de l’intérêt public, les pouvoirs publics s’efforcent de trouver un équilibre délicat. L’enjeu est de taille : permettre la modernisation des infrastructures de santé tout en préservant les principes fondamentaux du service public hospitalier. L’avenir de ces partenariats dépendra de notre capacité collective à tirer les leçons des expériences passées pour construire un cadre réglementaire à la fois robuste et adaptable.